Dans les témoignages des familles vivant dans la pauvreté et confrontées au placement d’un enfant, plusieurs préoccupations reviennent souvent :
- réunir la famille dès que possible ;
- en attendant ce moment, garder des contacts fréquents ;
- lors des visites, ne pas subir de supervision car sinon, de nombreuses familles sont mal à l’aise, en raison du fait qu’elles se sentent surveillées et jugées.
Toutes ces préoccupations sont abordées par l’arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire K.O. et V.M. c. Norvège, même si nous n’avons pas d’indice que cet arrêt concerne une famille vivant dans la pauvreté.
Selon la Cour, aussi longtemps que l’objectif ultime de réunir la famille est compatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant, il est essentiel que le régime des relations personnelles soutienne effectivement et suffisamment cet objectif. Or ce n’est pas le cas lorsqu’il s’écoule plusieurs semaines voire, comme dans la présente affaire, plusieurs mois entre chaque visite des parents biologiques à leur enfant placé (point 69 de l’arrêt rendu en anglais et page 3 du communiqué de presse en français). En l’espèce, les décisions relatives au droit de visite ont considéré que le seul but de ces visites était que l’enfant puisse savoir qui étaient ses parents, alors que les autorités nationales étaient tenues de faciliter les relations personnelles dans la mesure du possible sans exposer l’enfant à des difficultés excessives, afin de préserver, de renforcer et de développer les liens familiaux, améliorant ainsi la perspective de pouvoir réunir la famille à l’avenir (point 69).
De plus, en gardant à l’esprit que le but primordial des visites de contact est de faciliter le renforcement des liens familiaux, la décision de permettre la supervision de ces visites par les autorités chargées de la protection de l’enfance doit être justifiée par des motifs particuliers dans chaque cas (point 69 in fine).
Comme les autorités nationales (aussi bien le conseil du comté pour la protection de l’enfance et les affaires sociales que le tribunal municipal) n’ont pas expliqué suffisamment en quoi voir ses parents plus souvent aurait été contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, d’autant que les retours sur l’interaction de la famille au cours des visites étaient positifs (point 70), la Cour conclut à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie familiale) en ce qui concerne les restrictions apportées aux contacts entre les parents et leur enfant (point 71).
Le droit de visite avait été limité à quatre puis six fois par an. L’enfant, une fille née en janvier 2015 et placée peu de temps après sa naissance, est finalement retournée dans sa famille en 2018. Le placement, non contesté par la Cour, avait été motivé par les problèmes psychologiques des deux parents (toxicomanie de la mère et violences condamnées du père) et leurs conflits conjugaux.
Jean-Marie Visée
Membre du Comité juridique européen d’ATD Quart Monde