CEDH : retrait de l’autorité parentale et restrictions au droit de visite, maintenus malgré l’amélioration des conditions de vie de la mère isolée, jugés contraires au droit au respect de la vie familiale (art. 8 de la Convention)

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé le 6.10 que le retrait de l’autorité parentale et les restrictions au droit de visite violaient le droit au respect de la vie familiale (art. 8 de la Convention) dans l’affaire N.P. Contre Moldavie (n° 58455/13).

L’enfant avait été placée dans un foyer après avoir été trouvée « sale, affamée et en train de pleurer » alors que « la requérante et sa mère, ivres toutes les deux, étaient en train de se battre », selon le rapport de police.

Le tribunal de première instance décida de déchoir la mère de ses droits parentaux, en se basant sur le rapport de police, sur une inspection du logement (considéré insalubre faute d’eau courante, d’électricité ou de gaz) et sur les rapports des services sociaux selon lesquels l’enfant était négligée par sa mère, devait souvent mendier sa nourriture chez les voisins et n’allait pas à l’école.

Devant les tribunaux, la requérante allégua que, comme parent isolé sans soutien financier, elle était dans une situation difficile mais que, pendant la procédure judiciaire, elle avait trouvé du travail, amélioré ses conditions de vie et cherché à inscrire sa fille à l’école maternelle. Mais les juridictions décidèrent de lui retirer l’autorité parentale.

Les demandes répétées de la mère pour rendre visite à sa fille furent rejetées, d’abord parce que la procédure judiciaire était en cours, puis au motif qu’une tutrice (la tante de l’enfant) avait été nommée parce que la requérante avait perdu ses droits parentaux. Finalement les services sociaux l’autorisèrent à voir sa fille tous les samedis en présence de la tutrice de l’enfant.

En ce qui concerne le retrait de l’autorité parentale, la Cour reproche aux juridictions de s’être basées uniquement sur les rapports des services sociaux et de la police et sur une inspection du logement, sans prendre en considération des visites antérieures ou les témoignages de voisins, et d’avoir choisi d’ignorer les preuves apportées par la requérante (point 75). Les juridictions ont retenu deux autres cas d’ivresse bien qu’ils aient été contestés et non prouvés (point 76). Elles n’ont pas cherché d’avis extérieurs, comme celui d’un psychologue, sur la mère ni analysé ses efforts pour améliorer sa situation après le placement de la fille, comme obtenir un travail, nettoyer la maison et faire les démarches pour inscrire l’enfant dans une institution préscolaire (point 78). Elles n’ont pas tenu compte de ses difficultés financières qui auraient pu être surmontées par une assistance sociale et financière et des conseils (point 79) et elles n’ont pas cherché à savoir si on l’avait aidée ni exploré des alternatives moins dommageables (point 81).

Quant aux restrictions au droit de visite, la Cour constate qu’il a été interrompu de manière abrupte pendant plus de deux ans et que la décision relève discrétionnairement des services sociaux (point 82). La Cour trouve que ces mesures ont été excessivement sévères (« excessively harsh ») sans justification (point 84). Elle a accordé à la requérante 7 500 EUR pour préjudice moral, ainsi que1 030 EUR pour frais et dépens.

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