Le changement dans mes pratiques est la conséquence du choc et de l’émotion forte ressentie au cours de la session de co-formation vécue en Novembre 2014.
Aussi me dois je de dire quelques mots sur ce que j’y ai vécu avant de partager les changements qui en sont résultés dans ma pratique même si j’ai bien conscience qu’il me reste beaucoup de chemin à parcourir….
Tout comme pour les militants d’ATD Quart Monde, le début de la session a été difficile à vivre pour les magistrats : nous étions face à face militants et magistrats comme dans un match et les militants ont exprimé beaucoup de rancoeur dans ce qu’ils ont subi de la part de l’institution judiciaire. Je me suis sentie accusée et je l’ai, tout comme mes collègues, mal vécu car nous ne sommes pas habitués, notamment de par notre métier, à ce type de posture.
La pédagogie utilisée par les animateurs nous a permis le soir en groupe de « pairs » d’exprimer notre ressenti et de « vider notre sac » .
Le lendemain matin, chacun des animateurs a pu dire en présence de tous les participants ce qui avait été dit dans chacun des deux groupes de pairs. Les militants ont pu expliquer à ce moment là pourquoi une telle disposition avait été retenue : elle était indispensable pour les aider à affronter des juges, pour se soutenir, ne pas se laisser « embarquer » par nos mots et ainsi rester eux même.
Nous avons réussi ensuite pas à pas à nous « apprivoiser » et peu à peu la confiance a grandi. Nous avons ainsi pu partager nos ressentis au travers de scénarios d’audience vécus et retracés par les participants à la session, magistrats et militants.
Des paroles spontanées prononcées par des militants m’ont particulièrement marquée : « Les juges tournent les mots dans les tous les sens » « aider à débloquer la parole, à faire remonter les mots », « les mots sont plus haut que nous, on ne les comprend pas, on est bloqué ».
J’ai effectivement pris conscience que les mots n’avaient pas le même sens pour les juges et pour les militants. A titre d’exemple, alors qu’il nous était demandé d’exprimer ce que représentait pour nous la pauvreté, j’ai évoqué le terme de fragilité en me ressentant comme délicate et bienveillante dans ce mot choisi. Une des militantes m’a alors rétorqué avec force et avec ses tripes « on n’est pas fragile. Fragile, c’est être en-dessous de l’échelle. On n’est pas sous l’eau . On est juste au-dessus de l’eau ».
J’ai pris ça en pleine figure car effectivement le regard ses services sociaux et de justice se concentre sur ce qui ne va pas sans du tout voir tout le combat que mènent les personnes pour être là où elles en sont.
A la suite de cette session, j’ai pu prendre un peu de distance vis à vis des rapports écrits du service de l’Aide Sociale à l’Enfance mais également des services d’assistance éducative en milieu ouvert. Qu’y a t’il effectivement derrière ces mots et ces phrases bien faites ?
Je suis beaucoup plus sensible à tout ce qui est jugement de la personne et je trouve que les rapports de signalement sont souvent empreints de beaucoup de violence dans les regards portés.
J’essaie de faire en sorte de permettre davantage la parole, de favoriser au maximum la présence des avocats aussi bien pour les mineurs que pour leurs parents, de fixer des règles de conduite les plus précises possibles au service de l’aide sociale à l’enfance après audition des parties , de privilégier dans toute la mesure du possible le maintien en famille et, en cas de placement le maintien dans la famille élargie ainsi que le maintien des liens enfants/parents. Je provoque une audience dés que je sens que la relation du service de l’aide sociale à l’enfance avec l’enfant ou ses parents pose difficulté et incite les personnes à me faire part, en venant au Tribunal ou par courrier, de toute difficulté vécue. Je répète sans cesse que la mission du juge des enfants et celle des services sociaux est de permettre le rétablissement des liens avec la famille et le retour en famille.
Je vais rencontrer prochainement l’équipe des référents ASE de mon secteur pour évoquer tous ces points avec eux .
Il nous faut avancer pour cesser de plaquer un regard de jugement sur des personnes, dont la vie et la richesse sont très différentes de nos schémas, que nous ne connaissons pas, en faisant fi de nos propres dysfonctionnements, de nos peurs et de nos préjugés et nous interroger sur notre soif de « sauver le monde ».
Si l’institution doit aider, elle doit le faire « avec » et non « pour » et encore moins « contre » en donnant aux personnes en difficulté les idées et les ressources pour avancer dans une façon de vivre qui leur correspond. Elle n’est pas là pour imposer des schémas d’éducation et de pensée.
Je n’ai fait qu’un petit bout de chemin, je le sais, mais il est précieux et je le dois à Lucienne , Catherine, Marius, Joêl et Maxime que je remercie du fond du cœur.
Je remercie également ATD/QUART MONDE pour la qualité de son savoir faire.
J’ai été émerveillée du chemin que les magistrats ont pu parcourir au cours de cette session grâce à ATD Quart Monde et aux militants.
Je suis persuadée que le croisement des savoirs et des pratiques, qu’ATD a initié, est essentiel pour que tout le monde puisse avancer.
Paula D.
Un an déjà , mais le temps à de l’importance, car s’est lui qui fais évolué les choses. Je tiens à remercier les participant du monde de la justice d’avoir participé à ces journées de connaissances du milieu de la grande pauvreté, j’ai aussi eu l’angoisse du premier jour, et puis grace à l’équipe d’annimation et les temps de rencontre entre pair étaient très important. Maitenant, chacun prend conscient de ce que nous traverssons. Mais je sais que le chemin qu’il reste à parcourir ne sera pas le même pour tous. Les professionnels aurons leur propre temps pour prendre conscience . Pour les personnes vivant dans la grande pauvreté et qui rencontre des difficultés leur temps sera différent, car nous devons déjà prendre le temps d’une guérisons pour reprendre confiance, et ensuite évoluer dans leur démarche d’acteur pour leur vie.