La discrimination fondée sur l’origine sociale ou la situation financière est interdite par l’article 8 de la loi hongroise no CXXV de 2003 sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances.
En 2018, le tribunal régional de Miskolc a constaté l’existence d’une pratique discriminatoire d’un hôpital fondée sur ces deux critères vis-à-vis d’un groupe de femmes venant y accoucher.
En l’espèce, le Centre Européen pour les Droits des Roms (CEDR) avait introduit une actio popularis par laquelle il représentait toutes les femmes Roms venant accoucher, qui avaient été affectées par la pratique d‘un hôpital de facturer un montant pour une combinaison hygiénique jetable à porter obligatoirement dans la salle de naissance par tout accompagnant (mari, compagnon, mère…). Les frais exigés pour ce vêtement représentaient un montant trop élevé pour les familles vivant dans la (grande) pauvreté dans le comté de Borsod-Abaúj-Zemplén où il y a une forte densité de familles Roms. Dès lors, dans de nombreux cas, les futures mères Roms – parmi lesquelles des jeunes filles de moins de 18 ans – étaient obligées d’endurer les heures d’accouchement, seules, sans aucun soutien.
Au regard de ces faits, le tribunal de première instance de Miskolc a estimé que la pratique de l’hôpital de facturer des frais pour le vêtement hygiénique à porter obligatoirement par tout accompagnant constituait une double discrimination :
- une discrimination directe fondée sur l’origine sociale et la situation financière du groupe des femmes concernées, dont les familles et elles-mêmes vivent dans la (grande) pauvreté. Le tribunal précise que l’hôpital n’aurait pas commis de discrimination uniquement si les vêtements de protection avaient été fournis gratuitement, sans restreindre ainsi le droit garanti par la loi de pouvoir accoucher avec le soutien d’un accompagnant ;
- une discrimination indirecte fondée sur l’appartenance ethnique (Roms), compte tenu de la surreprésentation des familles Roms parmi les familles pauvres de la région.
Le tribunal a aussi ordonné à l’hôpital de mettre fin immédiatement à la pratique discriminatoire et l’a condamné à payer une amende.
En 2019, la Cour d’appel de Debrecen a confirmé le jugement de première instance, tout en réduisant le montant de l’amende.
Le 26 mai 2020, le recours contre l’arrêt de la Cour d’appel a été rejeté par la Cour suprême de Hongrie.
Ces décisions de justice dans le domaine de l’accès aux soins de santé constituent l’amorce d’une jurisprudence protectrice contre les pratiques discriminatoires fondées sur l’origine sociale et la situation financière. Cette jurisprudence est d’autant plus importante qu’elle renforce la protection de la communauté des Roms, minorité nationale fortement présente en Hongrie et discriminée tant sur le fondement de leur origine ethnique qu’en raison de leur situation socio-économique précaire.
Cyrielle Kugler et Philippe Brouwers
La présente note a été rédigée sur la base des informations mises à disposition par le Centre Européen pour les Droits des Roms. Pour en savoir plus, consultez :
- le site du Centre Européen pour les Droits des Roms et leur présentation de la présente affaire avec des témoignages de familles concernées, en particulier les deux contributions suivantes :
- les décisions de justice en langue hongroise dans une version anonymisée sur le site du Centre Européen pour les Droits des Roms :
- concernant l’actio popularis : https://www.osce.org/mission-to-skopje/337191